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     Jusqu'à aujourd'hui, un seul Ethiopien a atteint le plus haut niveau du cyclisme : Tsgabu Grmay. Tsgabu a 29 ans, il court en World Tour depuis 6 ans et a terminé les 3 Grands Tours. Comme presque tous les cyclistes Ethiopiens, il est né à plus de 2000m d'altitude dans la région du Tigré (Tigray en Anglais) : au nord de l'Ethiopie, à la frontière avec l'Erythrée. Le cyclisme est déjà bien développé localement dans le Tigré et il semble y avoir beaucoup de talent dans la région : cette année Mulu Kinfe Hailemichael a rejoint l'équipe Conti Pro Nippo Delko One Provence, Negasi Haylu Abreha et Hafetab Weldu sont dans une équipe Continentale, Eyeru Tesfoam Gebru court pour l'équipe féminine WCC Team, Selam Amha Gerefiel représentera l'Ethiopie sur la course en ligne femmes aux Jeux de Tokyo en 2021, et il y a beaucoup d'autres jeunes coureurs très prometteurs.

     Le cyclisme Ethiopien a un très gros potentiel et même si le cyclisme n'est pas aussi développé dans la région du Tigré qu'au Rwanda ou en Erythrée, il l'est bien plus que dans la plupart des autres pays Africains.

     Dans cet article, nous allons vous présenter la situation actuelle du cyclisme Ethiopien, son évolutions ces dernières années ainsi que ses difficultés et les structures qui contribuent à son développement. Nous vous présenterons aussi quelques jeunes coureurs prometteurs du pays.

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L'évolution du cyclisme Ethiopien

     L'Ethiopie est le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, et parmi les plus pauvres du continent. Plusieurs langues locales y sont parlées et peu de personnes apprennent l'Anglais. La course à pied est le sport numéro 1 du pays - les Ethiopiens sont parmi les tout meilleurs en marathon - et le football est aussi très populaire même si l'équipe Ethiopienne n'a pas un très bon niveau. Le cyclisme n'est pas un sport populaire dans tout le pays, mais c'en est un dans la région du Tigré où il y a des courses locales depuis longtemps. La culture du cyclisme dans le Tigré vient probablement d'Erythrée où c'est le sport numéro 1. "Nous sommes proche de l'Erythrée, on parle la même langue, on partage une partie de notre culture et je suppose que le cyclisme vient de là aussi" nous explique Tsgabu Grmay. Le cyclisme a été introduit en Erythrée par les Italiens durant la période coloniale, et il est arrivé dans le Tigré rapidement après. Le Tigré est une région montagneuse de 5 millions d'habitants, les plus grandes villes (Mekelle, Adigrat et Axum) sont entre 2200 et 2500 mètres d'altitude. Le cyclisme est un sport important dans la région, il y a beaucoup de coureurs et pas mal de courses locales, "c'est grâce à ces courses locales que j'ai commencé le vélo et que je suis ici aujourd'hui" assure Grmay.

     Le cyclisme était développé localement dans le Tigré depuis longtemps, mais les cyclistes ne couraient que très rarement en dehors d'Ethiopie. En 2007, Soloman Grmay, le frère de Tsgabu, a été le premier à aller au Centre Mondial du Cyclisme (ou World Cycling Centre en Anglais) à Aigle, en Suisse, après une bonne année au Centre Mondial du Cyclisme Afrique à Paarl, en Afrique du Sud. Tsgabu a suivi les pas de son frère 4 ans plus tard, et est ensuite devenu le premier Ethiopien à rejoindre une équipe UCI quand il a signé pour MTN - Qhubeka en 2012. "C'est là que tout a commencé pour le cyclisme Ethiopien", comme Jean-Pierre Van Zyl, directeur du Centre Mondial du Cyclisme Afrique, nous dit. Tsgabu est resté 3 ans avec MTN et a ensuite rejoint Lampre - Merida pour 2 ans. Dès sa première année avec Lampre, il a couru à la fois le Giro et la Vuelta. Lors de sa deuxième année, il a réussi à intégrer la sélection pour le Tour de France, et moins de 2 semaines après avoir rallié Paris, il était porte drapeau aux Jeux Olympiques de Rio. Tsgabu a couru pour Bahrain Mérida en 2017, Trek - Segafredo en 2018, et est maintenant chez Mitchelton - Scott. Il a couru un total de 8 Grands Tours dont 3 Tour de France. Le succès de Tsgabu Grmay est bien sûr une grande inspiration pour tous les coureurs Ethiopiens. Jean-Pierre Van Zyl, qui est très très proche de Tsgabu depuis qu'il l'a aidé durant ses premières années au Centre Mondial du Cyclisme Afrique, explique qu'"il a une énorme influence sur les jeunes : puisqu'il a atteint le niveau World Tour, ils croient tous qu'ils peuvent y arriver. Il n'est peut-être pas un champion du Tour de France, mais je peux vous assurer qu'il a le dévouement et l'éthique du travail d'un champion du Tour de France ; il est aussi humble qu'il l'était quand je l'ai rencontré pour la première fois. Je ne peux parler de lui qu'en bien... Il y a plein d'autres coureurs World Tour qui sont passés par le Centre Mondial du Cyclisme et qui sont ces grandes stars, gagnent de grandes courses, et ne se rappellent jamais d'où ils viennent. Mais Tsgabu n'oublie jamais d'où il vient, de quelle petite colline il vient, où il été juste un petit garçon normal, il raconte cette histoire et c'est ce qui permet aux autres athlètes de croire qu'ils peuvent le faire ; et pas seulement les Ethiopiens : il fait ça à chaque championnat d'Afrique, il parle à tout le monde, il est une figure très importante en Afrique." Tsgabu a aussi remarqué un changement de mentalité chez les jeunes coureurs depuis qu'il a atteint le plus haut niveau du cyclisme : "Même s'ils ne le disent pas, ils pensent tous que c'est possible car ils voient des gens comme moi et Mulu qui sont nés là-bas, ont grandi là-bas, ont commencé le cyclisme là-bas et sont arrivés au niveau où nous sommes. C'est un grand changement de mentalité, tout le monde veut faire le Tour de France et pense qu'il peut le faire. J'aime toujours m'entrainer à la maison avec ma famille et mes amis, et aussi je suis toujours heureux d'aider les jeunes coureurs et de les inspirer. Je pense que j'ai fait beaucoup d'erreurs, donc je dois partager mon expérience pour qu'ils ne fassent pas les mêmes erreurs que moi."

Si vous souhaitez en savoir plus sur Tsgabu, nous vous recommandons les articles et la vidéo suivants : Article de VeloNews (2018) - Article de CyclingTips (2018) - Vidéo de Mitchelton - Scott (2019)

     Peu de temps après que Tsgabu Grmay soit devenu le premier cycliste pro Ethiopien, "une vague de première génération d'athlètes qui a ouvert la voie pour le cyclisme Ethiopien" est arrivée, raconte JP Van Zyl, et beaucoup ont rejoint l'équipe Néerlandaise Continentale Marco Polo Cycling Team pour un ou deux ans. De 2014 à 2018, Eyerusalem Kelil a couru pour des équipes Italiennes féminines UCI. En 2015, 5 cyclistes Ethiopiens ont été invités pour 4 mois en Espagne par le projet de Mikel Gurrutxaga : Ethiopian Cycling Academy. Ils ont eu l'opportunité de s'entrainer, apprendre l'Espagnol et de participer à des courses en Europe. L'année suivante, 3 d'entre eux ont signé dans des équipes Continentales ou amateures Espagnoles ; Hailemelkot Hailu et Temesgen Buru sont restés plusieurs années en Europe. Voici une vidéo sur l'Ethiopian Cycling Academy (2015). Depuis 2017, Hafetab Weldu court dans des équipes Continentales, il avait obtenu de très bons résultats en 2018 avec NTT Continental. L'année dernière, Million Beza et Mulu Kinfe Hailemichael couraient pour NTT Conti et cette année c'est Negasi Hailu Abreha qui représente l'Ethiopie dans l'équipe U23 de NTT. En 2020, Mulu Hailemichael a signé avec l'équipe Française Continentale Pro Nippo Delko One Provence et a eu un très bon programme de course. Temesgem Buru, Redwan Ebrahim et Hafetab Weldu sont dans l'équipe Continentale Sud-Africaine ProTouch. Eyeru Tesfoam Gebru est la seule femme dans une équipe UCI cette année, elle court pour l'équipe du Centre Mondial du Cyclisme et a de bons résultats.

     Le cyclisme Ethiopien semble bien progresser à la fois chez les hommes et chez les femmes, ce qui n'est pas toujours le cas dans les pays en développement du cyclisme. "Honnêtement ce n'est pas dur d'être une cycliste dans mon pays, affirme Eyeru Tesfoam Gebru. Nous avons beaucoup de femmes cyclistes dans ma région, c'est culturel. Nous avons des femmes qui sont fortes mais malheureusement elles n'ont pas d'opportunité de courir en Europe." Dans le Tigré le cyclisme masculin et le cyclisme féminin sont vraiment proches l'un de l'autre, mais les façons de trouver une équipe en Europe sont plus limitées pour les femmes car elles n'ont pas de grande course comme le Tour du Rwanda où elles peuvent se montrer au monde. Van Zyl ajoute que "les Ethiopiennes s'entrainent beaucoup avec les hommes, ce qui leur donne automatiquement un très bon niveau. Elles ont beaucoup de courses en Ethiopie et elles sont menées par des exemples. C'est une situation unique et juste en Ethiopie."

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Tsgabu Gramy dans le Tigré - Ethio Cycling Holidays

Les difficultés pour les jeunes coureurs Ethiopiens

     La première difficulté pour un potentiel coureur Ethiopien est bien sûr l'argent : dans un pays où nourrir la famille est souvent compliqué, ce n'est pas un choix facile pour un jeune d'acheter l'équipement pour faire du vélo et de prendre le temps de s'entrainer quotidiennement. Le cyclisme est un sport très cher, "pour la course à pied vous n'avez besoin que de chaussures - vous pouvez même courir sans chaussures - alors que pour le cyclisme il vous faut tout l'équipement (vélos, casques, chaussures, cales, tout ça...), c'est tellement difficile de l'avoir, c'est si cher." explique Grmay. Cela empêche déjà de nombreux jeunes garçons et filles de faire du cyclisme.

     La fédération nationale de cyclisme n'est bien sûr pas parmi les plus riches du monde non plus, mais JP Van Zyl considère qu'ils "font le mieux qu'ils peuvent avec le soutient limité qu'ils ont du gouvernement et des sponsors locaux. Ils essayent toujours d'aider les athlètes peu importe où ils vont." Cependant, quelqu'un d'autre nous a dit que la fédération est parfois aussi "injoignable et beaucoup trop bureaucratique." Il y a de nombreuses courses locales dans le Tigré, mais l'équipe nationale ne participe pas à beaucoup de courses internationales, et jamais en dehors d'Afrique, beaucoup d'opportunités sont donc perdues pour les coureurs. Mais c'est quelque chose que l'on peut facilement comprendre étant donné qu'ils doivent faire avec un très petit budget, et la fédération Ethiopienne de cyclisme semble plutôt bien fonctionner comparé à celles de la plupart des pays Africains. Tsgabu Grmay a remarqué qu'ils "travaillent aussi beaucoup pour développer le cyclisme dans les autres régions" que le Tigré, où le sport cycliste est presque inexistant aujourd'hui.

     Quand un Ethiopien parvient à rejoindre une équipe en Europe pour la première fois, le plus dur pourrait sembler être fait, mais s'adapter à la culture et au style de course Européen n'est pas facile pour un coureur venant d'Afrique. Le choc culturel est quelque chose auquel ils doivent être préparés quand ils arrivent en Europe pour la première fois. Mais le plus important est la communication : les jeunes Ethiopiens doivent apprendre l'Anglais, le Français, l'Espagnol ou l'Italien pour pouvoir communiquer en Europe ; toutes les personnes que nous avons interrogées nous ont dit que c'était le plus important. Si vous parlez seulement le Tigrigna ou une autre langue locale Ethiopienne, il est impossible de communiquer ni avec votre coach ou vous équipiers, ni dans la vie de tous les jours en Italie, en France ou dans un autre pays Européen. C'est pourquoi les jeunes coureurs doivent apprendre au moins une langue le plus rapidement possible, étant donné que l'Ethiopie est l'un des rares pays d'Afrique où très peu de gens parlent Anglais, Français ou Portugais. La langue et la culture ne sont pas les seules choses qui sont complètement différentes en Europe et en Ethiopie : les courses ne sont pas les mêmes non plus. Le gros peloton nerveux roulant sur des routes étroites et sinueuses, les descentes très techniques, le froid et la pluie sont des choses qu'un coureur Ethiopien ne découvre que lorsqu'il vient en Europe pour la première fois. "En Ethiopie, nous avons une super météo, dit Tsgabu Grmay, entre 20°C et 30°C toute l'année ; quand vous arrivez en Europe c'est fou que l'on puisse courir en dessous de 0°C et avec de la pluie, de la neige, beaucoup de descentes techniques, dans un gros peloton, sur des petites routes... C'est un challenge auquel tout le monde est confronté dans le cyclisme mais venir d'Afrique le rend plus difficile." Ce qui le rend plus difficile pour les Africains est qu'en général ils commencent à courir en Europe assez tard. "En tant qu'Africain, vous arrivez très tard en Europe, continue Grmay, vous arrivez chez les espoirs alors que les autres coureurs étaient déjà là dans la catégorie Junior et avant : ils connaissent déjà les routes, savent comment courir..." Un temps d'adaptation est nécessaire, et le défi est de s'adapter aussi vite que possible pour ne pas perdre trop d'opportunités de faire de bons résultats car le coureur ne peut pas suivre ses concurrents en descente, perd de l'énergie à cause d'un mauvais placement ou tout autre erreur. Hailemelkot Hailu, qui a couru 4 ans en Espagne mais n'est jamais passé pro, nous a dit que "ce qui m'a empêché d'aller plus loin est mon âge, je suis longtemps resté inexpérimenté dans le cyclisme, que ce soit sur comment courir ou même dans la nutrition, personne ne m'a guidé. C'est quand je suis allé en Espagne que j'ai tout appris et mes performances se sont améliorées de manière exponentielle, mais c'était déjà trop tard pour moi."

     Un autre problème que rencontrent les Ethiopiens est les visas pour aller en Europe. "C'est difficile pour tous les coureurs Africains d'obtenir les bons visas, dit Kevin Campbell, manager de NTT Continental Team. Les Erythréens et les Ethiopiens sont ceux pour qui c'est le plus difficile parce que beaucoup de réfugiés en Europe viennent de ces pays. Si les bonnes procédures sont suivies, alors il est possible d'avoir des visas, mais les règles et les exigences peuvent légèrement varier selon les pays. Certains pays dans l'Union Européenne sont aussi plus accessibles que d'autres." Mais même si la procédure est longue, les équipes solides comme NTT Conti et le Centre Mondial du Cyclisme n'ont pas de problème pour avoir les bons visas à temps, "Notre équipe est maintenant capable d'obtenir les visas nécessaires car sont sommes enregistrés comme une équipe Continentale en Italie" Kevin Campbell confirme. Les problèmes de visas concernent les plus petites équipes ou les requêtes de dernière minute. Tsgabu Grmay rapporte qu'il est toujours parvenu à avoir des visas à temps depuis le début de sa carrière : "Ça va car je n'ai jamais raté de course, de camp d'entrainement ou d'autre opportunité. Bien sûr, je dois toujours aller à l'ambassade et présenter les papiers pour faire la demande, mais en Ethiopie toutes les ambassades m'ont aidé et m'ont supporté, donc je voudrais les remercier."

     C'est aussi plus dur pour les Ethiopiens, ainsi que pour les coureurs Africains en général, de trouver une bonne équipe en Europe. Il y a plein de raisons à ça et on en a déjà mentionné certaines (barrière de la langue, le temps nécessaire pour s'adapter au style de course Européen, les visas...). On peut ajouter que beaucoup d'équipes ont des sponsors qui visent certains pays en particulier, ou les pays riches en général. Aussi, beaucoup de managers ne veulent pas prendre le risque d'engager un coureur qui n'a pas eu un début de carrière classique en Europe, ils préfèrent prendre des coureurs venants des meilleurs équipes de développement ou des équipes amateures avec qui ils ont l'habitude de travailler. Le premier contrat n'est pas toujours le plus difficile à obtenir, car le coureur n'a en général que peu de temps pour s'adapter et confirmer son potentiel. Hafetab Weldu, comme d'autres avant lui, courait pour NTT Continental Team (équipe U23, c'est à dire de coureurs de moins de 23 ans), n'a pas été resigné quand il n'était plus U23 (en 2019), et n'a pas trouvé d'autre équipe. Mais si certains coureurs n'avaient pas répondu aux attentes durant leurs années chez NTT Conti, ce n'était pas le cas d'Hafetab Weldu qui avait eu une très bonne saison 2018 : il avait fini 5ème au classement général final du Giro Ciclistico della Valle d'Aosta Mont Blanc (seuls 2 coureurs du Top 10 de cette course ne sont pas en World Tour ou Conti Pro aujourd'hui, dont Hafetab). Ses résultats étaient bons, mais pas suffisamment bons pour rejoindre l'équipe World Tour NTT, et aucune équipe ne lui a donné une chance dans un premier temps. Il a ensuite signé un contrat avec l'équipe Continentale Allemande Bike Aid en mars 2019 mais le programme de course était loin de ce qu'il avait avec NTT Conti. Cette année, il a signé avec l'équipe Continentale Sud-Africaine Pro Touch. Si vous souhaitez en apprendre plus sur Hafetab Weldu, nous vous recommandons cet article sur develo.cc.    Cyclingnews a aussi récemment publié un bon article sur les difficultés pour les coureurs Africains de trouver une équipe World Tour.

     Nous avons mentionné de nombreux challenges auxquels un coureur Ethiopien est confronté, mais Tsgabu Grmay pense que "la clé pour surmonter ces challenges est de travailler dur et de croire en soi, pour moi c'est le plus difficile." Il estime que les conditions de courses difficiles que les coureurs Africains découvrent pour la première fois quand ils arrivent en Europe peuvent être surmontées par un mental très solide, "les coureurs peuvent le faire, donc vous devez croire que vous pouvez le faire. C'est toujours ce qui me motive, si je vois que quelqu'un le fait, je dois apprendre à la faire aussi, je n'abandonne jamais." Grmay ajoute que "bien sûr ce n'est pas facile qu'un Ethiopien vienne courir en Europe, c'est un grand challenge... c'est difficile à expliquer mais vous pouvez vraiment y parvenir grâce au côté mental. Et il y a aussi tellement de gens qui peuvent aider, c'est ce que j'ai rencontré dans ma carrière : tellement de gens autour de moi m'ont aidé et m'ont guidé, j'aimerai vraiment les remercier parce que sans eux je ne serais pas arrivé ici. Je suppose que beaucoup de coureurs Ethiopiens ou Africains qui viendront en Europe seront aussi aidés par des Européens pour s'habituer à la culture et faire faces à toutes les difficultés. Mais la chose la plus importante est le mental, c'est primordial pour aller de l'avant."

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L'équipe nationale Ethiopienne -@cyclingphotorwa

     Fin 2018, une équipe Continentale nommée "Nice Ethiopia Cycling Project" est annoncée être lancée l'année suivante par le Suisse Jacques Jolidon avec des coureurs Ethiopiens dont Hailemelkot Hailu, Temesgem Buru, Redwan Ebrahim et Negasi Abreha, ainsi que certains membres de la famille et amis de Jacques Jolidon. Pour ceux qui connaissaient déjà la famille Jolidon, ce n'était pas une surprise d'apprendre plus tard que le projet avait finalement été abandonné et que Nice Ethiopia n'était qu'une équipe fantôme. Mais pour les coureurs Ethiopiens c'était une grande déception :  Hailemelkot Hailu courait en Espagne pour l'équipe Caja Rural Amateur en 2018 et il a choisi de ne pas resigner car l'opportunité de rejoindre cette équipe Continental avec un bon programme de course et un salaire était parfaite pour lui. Quand le projet a été abandonné, les coureurs ont juste reçu un message pour les informer que l'équipe pour laquelle ils avaient signé n'existerait jamais... "Ça a littéralement ruiné ma carrière" pense Hailemelkot Hailu, c'était trop tard pour lui pour retourner en Espagne ou pour trouver une autre équipe.

     En 2016 et 2017, une course UCI 2.2 avait lieu dans la région du Tigré : le Tour Meles Zenawi. L'édition 2016 a été dominée par les Ethiopiens et remportée par Tedros Redae devant Alem Girmay Abebe. En 2017, la course a été remportée par le Sud-Africain Willie Smit qui a signé pour Katusha - Alpecin quelques semaines plus tard. L'objectif était de faire grandir la course, mais finalement la deuxième édition a aussi été la dernière. JP Van Zyl qui était conseiller pour l'organisation de la course explique pourquoi elle n'a pas continué : "C'est le financement. Je crois qu'on ne comprend pas toujours à quel point c'est difficile en Afrique de trouver de l'argent et de trouver des sponsors. Les mêmes sponsors payent chaque année mais ils n'ont qu'un budget limité. Ethiopian Airlines sponsorise toujours mais ils ont d'autres sports et d'autres évènements qu'ils supportent aussi. Donc encore une fois, c'est le financement qui pose problème." Vous pouvez regarder l'épisode de la série African Cycling Revolution de la Chaine Olympique sur l'Ethiopie qui a été tourné durant l'édition 2016 du Tour of Meles (sous-titres disponibles).  Willie Smit, le vainqueur de l'édition 2017, avait fait une vidéo de la course sur sa chaine YouTube.

     Cette année, en février, une nouvelle course nommée Tour of Tigray a été créée. Ce n'était pas une course UCI mais une équipe UCI Continentale était au départ : l'équipe Allemande Bike Aid qui supporte aussi le cyclisme Africain. Le Kenyan Suleiman Kangangi de Bike Aid était en tête de cette course de 6 jours jusqu'à l'avant-dernière étape où il a eu une crevaison au pied de la dernière montée qui lui a fait perdre beaucoup de temps. C'est finalement Temesgen Buru qui a remporté le général final devant Negasi Hailu Abreha. L'Ougandais Charles Kagimu était un des équipiers de Suleiman Kangangi, il nous raconte son premier voyage en Ethiopie : "Nous sommes arrivés à l'aéroport à Addis Ababa puis nous avons pris un autre vol vers le nord du pays où avait lieu la course. Nous avons eu un accueil chaleureux et, étant donné que nous étions là pour faire la première édition d'une course qui n'était même pas une course UCI, dès le début l'organisation était impressionnante. Le Tigré est la capitale du cyclisme en Ethiopie et vous pouvez être surpris en voyant l'importance du cyclisme dans cette région. Il y avait beaucoup de choses motivantes, comme la foule au bord de la route, la bonne météo, la qualité des routes et du terrain pour une belle course cycliste ; malgré le fait que l'on courait contre une équipe avec pleins de bons cyclistes qui étaient plus de trois fois plus nombreux que nous et qui ont aussi réussi à remporter la course grâce à ce que je peux qualifier d'une tactique pauvre et pas vraiment fair-play, notamment le fait de ne jamais rien tenter mais attaquer dès qu'un membre de notre équipe, et surtout le leader de la course, a un problème mécanique. Globalement, j'ai aimé le pays et la culture qui est totalement différente de la culture Est-Africaine que je connaissais déjà très bien. J'espère que la course pourra avoir lieu à nouveau l'an prochain et j'espère à nouveau être au départ."

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Tour of Tigray 2020 - Mirre Korevaar Wijnja

Les structures qui aident les coureurs Ethiopiens

     L'une des plus importantes structures qui supportent le cyclisme dans les pays en développement est le Centre Mondial du Cyclisme UCI. Le Centre se situe à Aigle, en Suisse, et invite des coureurs de partout dans le monde pour leur donner une opportunité d'apprendre et de courir en Europe. Parmi tous les coureurs qui sont passés par le Centre Mondial du Cyclisme, certains ont atteint le plus haut niveau du sport dont - entre autres - les hommes Christopher Froome (originaire du Kenya), Andrey Amador, Shane Archbold, Petr Vakoč, Daniel Teklehaimanot, Eduardo Sepúlveda, Merhawi Kudus ou Barnabás Peák et les femmes Arlenis Sierra, Thi That Nguyen, Paula Patino ou Teniel Campbell. A l'échelle continentale, le Centre Mondial du Cyclisme a des centres satellites : en Afrique, le seul est situé à Paarl, en Afrique du Sud, et s'appelle le Centre Mondial du Cyclisme Afrique - un nouveau devrait ouvrir en 2022 au Caire, en Egypte. L'objectif du CMC Afrique est non seulement de sélectionner les coureurs les plus prometteurs du continent pour les envoyer à Aigle, mais aussi d'aider toutes les fédérations nationales et les courses Africaines à se développer. Depuis qu'il a ouvert à Paarl en 2004, le directeur du CMC Afrique est Jean-Pierre Van Zyl, un ancien coureur Sud-Africain sur piste. Tsgabu Grmay a lancé sa carrière grâce au CMC Afrique et au CMC : à l'âge de 20 ans, Van Zyl lui a appris les bases au CMC Afrique et il l'a ensuite envoyé à Aigle où il a eu sa première expérience en Europe avant de rejoindre l'équipe MTN - Qhubeka en 2012. Tsgabu est très reconnaissant envers le Centre Mondial du Cyclisme : "Je suis ici grâce à eux" nous dit-il. Le CMC Afrique invite des coureurs de nombreux pays Africain, JP Van Zyl explique combien d'Ethiopiens viennent par an :"Ça dépend, j'invite en général 2 coureurs Ethiopiens - un homme et une femme qui sont très talentueux à différents camps d'entrainement, pour donner plus d'opportunités à différents coureurs. Ils viennent avec moi pour un certain temps et ensuite, ceux que j'ai remarqué comme ayant un vraiment bon potentiel, je les fais revenir pour rester de façon plus permanente en Afrique du Sud, avant que certains aillent en Suisse. Je leur donne les compétences, la tactique et travaille avec eux comme s'ils allaient à l'école : j'essaie de leur apprendre l'Anglais et ils doivent apprendre le Français, etc... Il faut essayer de les motiver en leur faisant comprendre que leur avenir est aussi entre leurs propres mains, pas seulement entre les mains de la fédération Ethiopienne de cyclisme, de leur coach, du Centre Mondial du Cyclisme, de l'UCI ou des équipes professionnelles : les équipes professionnelles ne vont pas marcher derrière vous et tout faire pour vous, vous devez tout faire tout seul." Tsgabu Grmay et JP Van Zyl ont gardé une forte relation au fil des années, Tsgabu est très reconnaissant envers JP pour son aide au tout début de sa carrière et JP apprécie l'humilité et la gentillesse de Tsgabu. Tsgabu raconte sa première année avec JP Van Zyl : "Il m'aidait beaucoup, m'apprenait beaucoup et me disait dès le début 'oui tu peux le faire, tu peux atteindre le niveau professionnel'. A partir de ce moment, je rêvais de plus en plus grand. Il m'a dit : 'Je vais t'envoyer au Centre Mondial du Cyclisme à Aigle pour apprendre plus et peut être que si tu es bon là-bas, ils t'aideront à trouver une équipe'." Grmay était très motivé quand il est parti pour la Suisse, et tout s'est bien passé là-bas : "Ils m'ont aidé et ils m'ont trouvé une équipe. J'ai tellement appris là-bas, c'était vraiment quelque chose de très important pour moi car quand je suis arrivé en Europe c'était compliqué, il y avait plein de difficultés dont j'ai parlé au début... Je sais comment j'ai grandi, avec tant de défis que j'ai eu... je me suis dit : 'C'est impossible que j'y arrive, que je change ma vie et devienne pro.' Je l'ai finalement fait mais sans eux je n'aurais pas pu. C'était une opportunité incroyable de passer par le CMC à Aigle, il y a énormément de coureurs Africains qui y sont passé, c'est très important. J'aimerais tellement les remercier de nous donner ces opportunités, pour ce qu'ils font pour le cyclisme Africain : ça va encore aider tellement de gens à changer leurs vies et poursuivre leurs rêves comme ça a été le cas pour moi, Natanael Berhane, Daniel Teklehaimanot, Merhawi Kudus, et d'autres, beaucoup de coureurs sont passés par le Centre Mondial du Cyclisme UCI et courent en World Tour. C'est une très grande opportunité qu'ils nous donnent." La majorité des cyclistes Ethiopiens que nous avons déjà mentionné ou que nous mentionnerons plus tard dans cet article se sont entrainés au Centre Mondial du Cyclisme ou au Centre Mondial du Cyclisme Afrique. "Oui, Van Zyl confirme, beaucoup de coureurs Ethiopiens sont passés par le WCC Afrique : mais c'est leur propre engagement, leur propre dévouement et leur volonté d’écouter et d'apprendre quand ils sont au centre qui font les coureurs qui réussissent quand ils quittent le centre. On créé et on leur donne les plateformes pour s'éduquer afin qu'ils deviennent autonomes quand ils partent. C'est le but est ça a toujours été un de mes grands principes, quand ils arrivent je dis : 'Vous êtes ici pour prendre une opportunité, je ne peux pas le faire pour vous, je peux vous apprendre mais je ne peux pas vous faire faire les devoirs, je ne peux pas vous faire écouter et poursuivre vous-même votre éducation. Quand vous partirez vous aurez les petits outils pour entrer dans un monde du cyclisme où vous devrez être comme une éponge et absorber toutes les informations possibles, et éviter toutes les mauvaises informations.' C'est comme aller à l'armée, où vous apprenez les bases durant vos 6 premières semaines." JP Van Zyl se dit "très heureux de l'expérience que nous avons les coureurs Africains en général, c'est une très belle aventure, une superbe expérience que nous avons, je suis très heureux de travailler avec ces athlètes talentueux. Ce n'est pas vraiment nous qui les faisons réussir, ils réussissent eux-mêmes, nous sommes ceux qui avons la chance de leur donner les outils pour réussir."

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Une partie de l'équipe masculine 2020 du CMC (l'Ethiopien Hagos Welay est le 2ème coureur à partir de la gauche - Richard Wooles

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L'équipe féminine WCC Team au GP de Plouay 2020 (l'Ethiopienne Eyeru Tesfoam Gebru est 2ème en partant de la droite - Manon Meillarec Photographie

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Daniel Teklehaimanot, Natnael Berhane et Tsgabu Grmay sur l'Etoile d'Or 2011

     Africa Rising Cycling a contribué à aider énormément de cyclistes en Afrique durant la dernière décennie. Certains Ethiopiens - dont Eyeru Tesfoam Gebru ou Eyerusamel Kelil - ont été invités à l'Africa Rising Cycling Centre au Rwanda ces dernières années. Ils aident aussi des coureurs à trouver des équipes, par exemple ils travaillent avec l'équipe Pro Touch et ont aidé Redwan Ebrahim à y signer l'an dernier. Kimberly Coats et Jock Boyer d'Africa Rising Cycling étaient interviewés dans le dernier Masaka Cycling Club Podcast.

     La Team NTT (ancienne Team Dimension Data et MTN - Qhubeka) a aussi joué un rôle clé dans le développement du cyclisme Africain ces dernières années. Beaucoup de coureurs Africains sont passés par l'équipe et aujourd'hui il y a encore 7 Africains dans l'équipe World Tour et 4 dans l'équipe Continentale. 6 Ethiopiens dont Tsgabu Grmay et Mulu Hailemichael ont couru pour NTT ces 10 dernières années. L'équipe est parfois critiquée pour ne plus être une vraie équipe Africaine, en effet le nombre d'Africains dans l'équipe World Tour est passé de 13 en 2018 à 7 en 2020. Mais s'il est vrai que l'équipe NTT ne peut pas être considérée comme une vraie "équipe Africaine", c'est clairement toujours une équipe qui aide beaucoup le cyclisme Africain : des coureurs comme Ghebreigzabhier, Dlamini ou De Bod ne seraient peut-être pas en World Tour sans NTT, leur équipe U23 forme parmi les meilleurs coureurs Ethiopiens, Erythréens, Sud-Africains, Rwandais ou Marocains, et sans oublier leur précieux soutient à Qhubeka. C'est très difficile de trouver des sponsors Africains, et Douglas Ryder - le dirigeant de l'équipe NTT - a dû faire des choix pour que son équipe puisse survivre. Le futur de l'équipe NTT est toujours incertain puisqu'ils n'ont pas encore de sponsor titre pour 2021. Si vous ne l'avait pas déjà vu, nous vous recommandons fortement de regarder ce film sur l'histoire de l'équipe de  Douglas Ryder de 2013 à 2020.

     Nous avons déjà mentionné qu'en 2015 Mikel Gurrutxaga avait invité 5 cyclistes Ethiopiens en Espagne dont Hailemelkot Hailu qui a ensuite couru en Espagne jusqu'en 2018. Depuis 2019, Hailemelkot court seulement des courses amateur en Ethiopie et avec l'équipe nationale Ethiopienne (à cause de l'équipe fantôme Nice Ethiopia qui l'a fait quitter l'Espagne). Mais de retour en Ethiopie, il a aussi lancé un nouveau projet avec le soutien financier de Mikel Gurrutxaga: le Solidarity Cycling Project. Le but du projet est d'apprendre aux jeunes garçons et filles Ethiopiens de Mekelle ce qu'Hailemelkot n'a appris que trop tard quand quand il est arrivé en Espagne à l'âge de 21 ans. Les jeunes reçoivent des vélos et Hailemelkot Hailu leur apprend la nutrition, la tactique, la mécanique, les langues, etc... "Je suis longtemps resté inexpérimenté avec un vélo ; raconte Hailemelkot. C'est pendant mon voyage en Espagne que j'ai tout appris et mes performances ont augmenté de manière exponentielle, mais c'était déjà trop tard pour moi. Alors je fais la même chose avec les jeunes, comme ça ils auront bien plus de chances de se faire repérer et d'aller en Europe, ou même de passer pro. On a de la chance, car le matériel est totalement fourni par Mikel, donc le gros soucis ne vient pas du tout de là, mais de la nourriture, le pays est pauvre et les enfants arrivent à l'entraînement sans rien dans les poches, et dans le ventre !”​ Tout le travail et l'entrainement paye : Maerig Kahsay du Solidarity Cycling Project a remporté la seule course à laquelle ils ont participé cette année. Hailemelkot sait que ce qu'il fait sert déjà à ces jeunes garçons et ces jeunes filles qui peuvent pratiquer ce sport si peu accessible dans le pays. Cependant, il n'a aucun soutient de la fédération nationale de cyclisme. "Je ne pense pas que le gouvernement comprenne bien le projet, dit Tsgabu Grmay. Hailemelkot fait du super boulot, on voit souvent ce genre de projet dans les pays Européens, pas en Ethiopie, donc ce que fait Hailemelkot Hailu est incroyable. Ces jeunes viendront avec une bonne base et une bonne mentalité donc ils pourraient amener notre cyclisme à une étape supérieure. Je lui souhaite vraiment bonne chance et d'avoir beaucoup de soutient car il en mérite plus, il mérite un très gros soutient du gouvernement et de la fédération. La fédération travaille pour développer le sport, ce que fait Hailemelkot Hailu tout seul, ils devraient faire ce qu'il fait." Même s'il donne beaucoup de temps pour le Solidarity Cycling Project, Hailemelkot n'a pas complètement oublié la possibilité de devenir professionnel : "Je cours de temps en temps avec l’équipe nationale, mais c’est trop peu… Avant la pandémie de coronavirus, j'ai fait un super Tour du Rwanda, j’avais même eu un contact avec l’équipe amateure espagnole Manuela Fundacion (Manuela Fundación est une bonne équipe amateure en Espagne, mais le sponsor est connu pour son projet avorté de reprise de Mitchelton Scott en juin dernier). Malheureusement, le Coronavirus est passé par là, et ça a été annulé. Aujourd’hui j’espère toujours pouvoir recourir en Europe, je parle correctement espagnol donc c’est principalement là que je cherche, mais j’adore la France et même si c’est beaucoup plus compliqué pour y aller j’adorerais y courir. Même si c’est plus compliqué, je me dis que je pourrais éventuellement avoir une opportunité dans petite une équipe UCI Continentale, en tout cas j’espère.” Le fait qu'Hailemelkot arrive à entrainer les jeunes et en même temps à courir de son côté impressionne vraiment Tsgabu Grmay : "Je ne sais pas comment il fait parce que je suis professionnel, je suis assez connu là-bas et j'ai aussi le budget pour faire ça, donc je devrais aussi faire ce genre de choses, mais je suis toujours concentré sur moi-même... Le fait qu'il puisse trouver le temps, l'énergie et tout le reste est incroyable. Je suis content, j'espère qu'il va continuer et j'espère que le gouvernement l'aidera, c'est un projet incroyable." Voici une vidéo sur le Solidarity Cycling Project.  Si vous souhaitez en apprendre plus sur Hailemelkot Hailu, develo.cc avait fait un article sur lui en 2018.

     L'année dernière, Tsgabu Grmay a aidé à ouvrir une nouvelle entreprise de tourisme à vélo dans le Tigré : Ethio Cycling Holidays. Ethio Cycling Holidays propose de découvrir la région à vélo aux touristes cyclistes internationaux, et 30% des profits de l'entreprise permettent d'aider les jeunes cyclistes locaux grâce à l'équipe ECH. ECH Cycling Team a 6 coureurs âgés de 16 à 17 ans qui se voient offrir de l'équipement, des entrainements et des courses et qui travaillent aussi en tant que guides pour les touristes cyclistes afin de gagner de l'argent. L'équipe appartient à Tsgabu Grmay et c'est Solomon Grmay, le frère de Tsgabu, qui en est le coach.

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Les coureurs du Solidarity Cycling Project d'Hailemelkot Hailu, Hailemelkot est à gauche sur la photo d'en bas.

Futur et Covid-19

     La pandémie de Covid-19 a impacté le monde entier et donc tout le monde du cyclisme. Pour les coureurs Ethiopiens qui couraient dans des équipes fortes (équipes World Tour et Continentale Pro, mais aussi NTT Continental et le Centre Mondial du Cyclisme), l'impact était le même que pour les coureurs Européens parce qu'ils n'ont pas eu de problème pour retourner en Europe après le confinement. "J'étais de retour en Ethiopie durant le confinement et ensuite NTT Continental m'a envoyé tous les documents pour l'ambassade donc ce n'était pas difficile de revenir en Europe" nous dit Negasi Hailu Abreha. Ce n'était pas un problème non plus pour Eyeru Tesfoam qui court pour l'équipe féminine du Centre Mondial du Cyclisme : "Pendant le confinement je suis retournée chez moi et je n'ai eu aucun problème pour re-rentrer en Suisse car j'ai un permis Suisse." Cependant, ça a été plus difficile pour les Ethiopiens (et les non-Européens en général) qui courent pour des plus petites équipes et pour les jeunes coureurs qui n'ont pas encore d'équipe. Ils ont manqué des opportunités de courir et donc des opportunités de progresser et de se montrer. Personne ne sait pendant combien de temps cette pandémie va continuer d'avoir un tel impact sur le monde, tout le monde espère que ce sera bientôt fini...

     Depuis que Tsgabu Grmay a atteint le plus haut niveau du cyclisme, le cyclisme Ethiopien a bien progressé. Peut-être qu'il n'a pas grandi aussi vite que certains pensaient, mais il a quand même beaucoup grandi. Pour toutes les raisons que nous avons mentionnées au début, développer le cyclisme dans un pays comme l'Ethiopie n'est pas facile et prend du temps. "Vous savez, je suis celui qui a atteint le World Tour et fait le Tour 3 fois, Tsgabu Grmay explique, mais je pense vraiment que le cyclisme Ethiopien mérite plus. Beaucoup de gens disent que la course à pied et le cyclisme sont similaires, je ne suis pas d'accord avec ça, c'est différent. Pour la course à pied, il ne faut que la force physique. Mais le cyclisme est différent : je peux citer la météo, le positionnement, les descentes, il y a tellement d'aspects techniques, vous courez sur le plat avec des sprinteurs, les bordures, les petites routes... C'est différent de la course à pied. Bien sûr, c'est un sport d'endurance, mais si vous êtes bon en course à pied - comme le sont les Ethiopiens - ça ne veut pas dire que vous êtes bon en cyclisme. Il y a des coureurs qui viendront dans le futur, ce que fait Hailemelkot Hailu aidera le cyclisme Ethiopien ainsi que le fait que les cyclistes ont de grands rêves maintenant. Il n'y a pas de doute, ils peuvent faire mieux que moi, et encore plus. Je partagerai mon expérience en Ethiopie ce qui, je pense, peut beaucoup aider les jeunes. Je pense vraiment que le cyclisme Ethiopien peut devenir de plus en plus grand mais ce n'est pas comme la course à pied où l'on peut grandir d'un seul coup, ça prend du temps et grandit doucement. On a besoin de coureurs qui soient très forts mentalement et physiquement, ce que l'on a montré que l'on a, donc avec notre expérience et l'aide que l'on reçoit, c'est possible pour notre cyclisme de devenir de plus en plus grand, ce qui a juste commencé je pense." Comme Tsgabu l'a dit, le développement du cyclisme est long et des fondations solides sont nécessaires : c'est pourquoi des projects qui aident et éduquent les jeunes coureurs autour de 16 ans comme le Solidarity Cycling Project sont si importants. La fédération doit aussi avoir des objectifs à long terme comme nous dit JP Van Zyl : "Ils doivent avoir une structure, ils doivent être organisés, ils doivent avoir un plan qui ne soit pas seulement pour les 2 prochaines courses : ils doivent avoir un plan annuel, puis ils doivent avoir un plan sur 4 ans... Nous devons éduquer la fédération sur comment se préparer pour des championnats avec des objectifs intermédiaires et comment aller aux Jeux Olympiques. S'ils ont un plan structuré sur comment ils veulent arriver aux JO de Paris, je pense que vous verrez les Ethiopiens partout, et vous verrez des résultats. Je pense que la volonté d'accepter les conseils et de les appliquer est toujours importante. On peut les aider." La fédération est la base du système, dans les pays où elle fonctionne bien, elle permet au cyclisme de bien se développer, mais dans les pays où elle ne fonctionne pas bien, c'est un vrai frein au développement. Dans le Tigré, il y a beaucoup de course, ce qui est très bien, mais la prochaine étape est de toutes les organiser dans un calendrier structuré. "La stabilité et la façon d'organiser des courses sont là, confirme JP, nous devons juste continuer à les motiver et leur montrer comment créer un calendrier qu'ils puissent suivre. Il faut un calendrier national, je pense que c'est le secret. C'est la seule différence que je vois entre le cyclisme Erythréen et le cyclisme Ethiopien. Les Erythréens ont beaucoup plus de tactique car ils courent vraiment tous les weekends." Nous avons aussi demandé à JP si une nouvelle course internationale pourrait voir le jour en Ethiopie dans le futur, comme le Tour of Meles il y a 3 ans : "Je ne sais pas avec la covid, le futur est incertain. Bien sûr, on veut avoir une course internationale... si on peut aider une course régionale et former ses organisateurs, je suis sûr qu'on peut avoir une course ; mais avec la covid-19 personne ne connait le futur. Bien sûr, dès que la covid sera fini, on travaillera très dur pour avoir une course, parce que c'est un climat très spécial et je pense que les montagne de Mekele sont un endroit idéal pour les camps d'entrainement de tous les coureurs internationaux."

     Jean - Pierre Van Zyl pense que le cyclisme féminin Ethiopien pourrait créer la surprise en grandissant plus vite que le cyclisme masculin Ethiopien dans les prochaines années : "Il y a tellement de bonnes cyclistes Ethiopiennes ! Je pense que le futur du cyclisme Africain est chez les filles, c'est le prochain 'boom'. Je pense que les Africaines vont surprendre le monde du cyclisme durant les 4 prochaines années."

     L'année dernière, Vincent Jacquet a remplacé Frédéric Magné en tant que directeur du Centre Mondial du Cyclisme UCI, JP Van Zyl nous a dit qu'il a apporté de nouvelles idées pour le CMC : "Il y a un tout nouveau plan qui a été mis en place par la confédération du cyclisme Africain, un plan brillant qui sera révélé dans un futur proche. Vincent Jacquet a rejoint le CMC et a de très bonnes idées pour la jeunesse, comment créer des opportunités pour les jeunes, une toute nouvelle philosophie je pense au CMC pour le futur, ce qui est très intéressant mais je ne peux pas en dire plus pour le moment."

     Vous avez probablement entendu que NTT ne sponsorisera plus l'équipe de Douglas Ryder en 2021 et qu'il n'a pas encore trouvé de nouveau sponsor titre. Si l'équipe disparaissait, ce serait une grande perte pour le cyclisme Africain. Nous avons déjà expliqué à quel point cette équipe a été importante pour le cyclisme Ethiopien et le cyclisme Africain en général ces 10 dernières années. Alors que nous nous apprêtons à publier cet article, les dernières rumeurs indiquent qu'il pourrait y avoir un potentiel nouveau sponsor, mais rien n'est sûr pour le moment. On sera si l'équipe continue ou non dans les prochains jours...

Présentation de quelques jeunes coureurs

     Après Tsgabu Grmay, Mulu Kinfe Hailemichael est le deuxième coureur Ethiopien à avoir rejoint une équipe Continentale Pro. Il est né le 12 juin 1999 à Adigrat, le deuxième plus grande ville de la région du Tigré. En 2018, à l'âge de 19 ans, il a terminé troisième du Tour du Rwanda. L'année suivante, il a signé un contrat avec NTT Continental Team et terminé 5ème du classement général et remporté le maillot de la montagne sur le Giro Ciclistico della Valle d'Aosta Mont Blanc. Après cette bonne année, l'équipe Continentale Pro Nippo Delko One Provence lui a proposé un contrat de 2 ans. Il a choisi de signer dans l'équipe Française en même temps que l'Erythréen Biniam Ghirmay; en Europe, les 2 Africains vivent maintenant ensemble dans une maison près de Marseille (et ils devraient être rejoints par Jakob Debesay l'année prochaine). Ce choix de déjà devenir professionnel à l'âge de 20 ans n'était pas ce que le manager d'NTT Conti, Kevin Campbell, lui avait recommandé : "Bien que nous soyons certainement heureux lorsque l'un de nos coureurs peut progresser dans sa carrière cycliste, nous savons aussi que de nombreux cyclistes en veulent trop, trop tôt. Mulu est un coureur très talentueux mais il a besoin d'expérience de course en Europe. On aurait préféré qu'il reste dans notre équipe une saison de plus pour que l'on puisse améliorer ses compétences et lui en apprendre plus sur la tactique de course. Malheureusement pour nous, il a décidé d'ignorer notre conseil et a accepté la première offre professionnelle qu'il a reçu, et nous avons dû lui souhaiter bonne chance puisqu'il quittait notre équipe." En 2020, Mulu Hailemichael a eu 31 jours de course avec une victoire d'étape sur le Tour du Rwanda et une 15ème place sur le Circuito de Getxo (remporté par Damiano Caruso devant Giacomo Nizzolo) alors qu'il avait travaillé pour Biniam Ghirmay pendant la course. Il est petit et léger (1.58m, environ 50kg) donc il devrait être un pur grimpeur, mais cette année ses meilleurs résultats étaient sur des course vallonées.  Kevin Campbell le décrit : "Mulu est un jeune coureur extrêmement talentueux. Il a de grandes capacités, mais comme pour la plupart des coureurs Africains, il a besoin de gagner plus d'expérience de course au plus haut niveau. C'est un très bon grimpeur et sa petite taille l'aide dans ce domaine. C'est un coureur positif et avec la bonne préparation et expérience il peut devenir un très bon cycliste." Le fait qu'il soit le deuxième coureur Ethiopien à atteindre ce niveau est une très bonne nouvelle pour le cyclisme Ethiopien, comme nous dit Tsgabu Grmay : "Mulu est celui qui a prouvé que tout est possible, pas seulement 'Tsgabu', car comme j'étais le seul pro d'Ethiopie, c'était dur pour moi d'expliquer à quelqu'un en Ethiopie que c'est vraiment possible. Donc quand j'ai vu que Mulu l'avait fait j'étais super heureux qu'un autre cycliste ait montré que c'était possible." Tsgabu pense aussi que Mulu Kinfe Hailemichael aura de grands résultats : "Je pense vraiment qu'il peut faire mieux que moi sur les grandes courses comme le Tour de France, le Giro d'Italia... dans les longues ascensions. Il a le talent et est très fort mentalement, c'est pourquoi je crois vraiment qu'il peut faire mieux que moi et aussi inspirer plus de coureurs en Ethiopie. Je suis tellement content qu'il arrive, il fera sans doute de très grandes choses." 

Si vous voulez en apprendre plus sur Mulu, vous pouvez lire cet article de Ciclismo a fondo.

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Mulu Kinfe Hailemichael - Tour du Rwanda

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Mulu Kinfe Hailemichael - Nippo Delko One Provence (gauche), Clémence Ducrot (droite)

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     Cette année, Negasi Hailu Abreha est le seul Ethiopien à courir pour NTT Continental Team. Il est né le 9 mai 2020 à Mekele, la plus grande ville de Tigré d'où vient aussi Grmay. L'année dernière, il a fait Top 10 au classement général du Tour de l'Espoir à l'âge de 19 ans et est devenu champion d'Ethiopie dans la catégorie Elite. Il s'entrainait au Centre Mondial du Cyclisme Afrique et JP Van Zyl l'a recommandé au manager d'NTT Conti : "Negasi a été avec moi pendant un peu plus d'un an, raconte Van Zyl. Au vu de son potentiel, au vu de sa capacité à lire la course, je crois évidement en lui ; donc je suis rentré en contact avec le manager et directeur sportif de l'équipe Continentale d'NTT, Kevin Campbell, qui est un directeur sport qui fait beaucoup d'effort pour continuer à éduquer les coureurs Africains et qui comprend la culture Africaine. Donc, Negasi est allé courir avec lui ... et sur sa première course il été en échappée avec Natu - Natnael Tesfatsion - d'Erythrée qui est aussi passé par le CMC. Je suis heureux des progrès qu'ils montrent et de leur volonté." La première course de Negasi Hailu Abreha en Europe était le Tour Bitwa Warszawska 1920 en Pologne en Août, une course par étape plate (avec quelques chemins empierrés) remportée par Oscar Riesebeek devant Senne Leysen. Comme Van Zyl l'a dit, il a pris des échappées pendant la course et a aussi finit dans le top 50 du classement général. "C'était une course dure, surtout sur les chemins" nous a dit Negasi. "C'était une course où nous l'avons fait participer uniquement pour qu'il prenne plus d'expérience, affirme Campbell, et il nous a impressionné par sa condition physique et son attitude en course. J'espère que l'on pourra lui proposer un meilleur programme de course en 2021 si la saison n'est pas à nouveau affectée par la Covid." Ensuite, il a couru quelques courses d'un jour en Italie en septembre et octobre et s'est à nouveau montré dans quelques échappées. Kevin Campbell décrit son nouveau coureur : "Negasi est un autre jeune et talentueux coureur. Il a aussi besoin de plus d'expérience de course en Europe. Les conditions de course, la taille du peloton, le niveau de compétition et la météo sont si différents sur les courses Européennes et la seule façon pour qu'il se développe en tant que cycliste est qu'il court et s'entraine en Europe." Negasi Abreha nous a dit qu'il aime la montagne, mais aussi le contre la montre. Si NTT Conti continue bien l'an prochain, il restera dans l'équipe en 2021, et probablement en 2022 aussi.

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Negasi Hailu Abreha - ATPhotography (droite)

     Eyeru Gebru Tesfoam est la seule Ethiopienne à courir dans une UCI Women's Team en 2020. Elle est née le 10 décembre 1996, dans la ville d'Axum. "Quand j'étais petite, Eyeru raconte, j'ai toujours eu beaucoup d'amour pour les sports, et surtout le cyclisme. C'était mon rêve. Il y avait une cycliste dans ma ville qui m'a beaucoup inspiré pour commencer le cyclisme : Hadnet Asmelash." Hadnet était l'une des meilleures cyclistes Ethiopiennes il y a quelques années mais elle n'est jamais parvenue à courir en Europe, c'est la compagne de Tsgabu Grmay. "Mon prof de sport à l'école, il y a 6 ans, m'a aussi aidée à commencer le cyclisme." En 2015, elle va s'entrainer pour la première fois à l'Africa Rising Cycling Centre au Rwanda. En 2016, elle est choisie pour aller au Centre Mondial du Cyclisme Afrique et, comme elle s'en sort bien, elle est envoyée au Centre Mondial du Cyclisme en Suisse pour la première fois en 2017. Depuis, elle court pour l'équipe du CMC - WCC Team - qui est devenue une équipe UCI l'année dernière. Elle a fait les championnats du monde 3 fois (2017 à Bergen, 2018 à Innsbruck et 2020 à Imola). Elle a aussi couru le Tour Féminin de l'Ardèche - une course par étape importante en France - 4 fois : en 2017 c'était sa première course UCI en Europe, en 2018 et 2019 elle s'est beaucoup montrée dans les échappées, et cette année elle était dans le groupe qui s'est disputé la victoire sur l'étape 6 (elle a fini 6ème de l'étape et 22ème du classement général). En 2019, Eyeru Tesfoam avait fini 11ème du Tour of Burgos et 18ème du Kreiz Breizh Elites où elle avait travaillé pour sa co-équipière Teniel Campbell qui avait remporté la course. "C'était une bonne saison pour moi et mes équipières, nous dit Eyeru; nous avons appris, pris de l'expérience et fait de bons résultats ensemble en équipe." Cette année, elle a bien fait sur le Tour de l'Ardèche et aussi terminé dans le Top 30 sur le Giro dell'Emilia avec une très forte adversité. Eyeru est forte dans les montées, mais elle a encore quelques difficultés dans les descentes ; elle est toujours très combative en course. "Je suis une coureuse très concentrée et joyeuse, dit-elle, mes équipières me considèrent souvent comme la “maman” de l'équipe. Mes forces sont les courses par étapes vallonées et je suis aussi une bonne grimpeuse, j'adore la montagne. Mon point faible est le sprint. Je suis reconnaissante envers le CMC, parce qu'ils m'ont donné l'opportunité de réaliser mes rêves, de courir en Europe et d'améliorer mes performances !" Van Zyl décrit Eyeru Tesfoam "En tant que coureuse, c'est une petite combattante. Je pense que c'est une super opportunité pour elle d'être dans une Women's Team. Elle est une super petite grimpeuse. En tant que personne, elle est posée, gentille et motivée. Vous n'avez jamais rien à lui reprocher... Je pense vraiment que la culture Ethiopienne en général est très agréable et qu'ils sont aimables, mais ils ont une vraie étique de travail. Et c'est ce que je peux dire à propos de Eyeru, elle a vraiment une bonne étique de travail et j'espère qu'elle pourra aller dans une équipe World Tour." Kimberly Coats d'Africa Rising Cycling la connait aussi : "Je connais bien Eyeru. Elle est venue à 2 de nos camps d'entrainement au Rwanda à l'Africa Rising Cycling Center. C'est une très bonne coureuse, intelligente et dévouée. Je fais circuler son CV pour une équipe l'an prochain." Eyeru Tesfoam, avec l'aide de Kimberly, essaye de trouver une équipe World Tour pour l'année prochaine, mais elles n'ont rien trouvé de sérieux pour le moment... "Ce que j'aime le plus dans le cyclisme sont les courses et l'opportunité que ça nous donne de découvrir le monde", nous dit Eyeru. Son rêve dans le cyclisme serait d'"être une des meilleurs grimpeuses du monde, de gagner les championnats du monde et d'être médaillée aux Jeux Olympiques."

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Eyeru Gebru Tesfoam - UCI

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Eyeru Gebru Tesfoam dans l'échappée - Tour cycliste féminin de l'Ardèche

     Selam Amha Gerefiel est née le 21 décembre 1996. Elle a déjà été choisie pour représenter l'Ethiopie aux Jeux Olympiques de Tokyo l'an prochain. L'année dernière, elle a remporté le contre la montre des championnats d'Afrique devant Eyeru Tesfoam Gebru. Elle s'est entrainée avec JP Van Zyl, il nous dit qu'"elle est juste exceptionnelle, l'éthique de travail encore, le dévouement: elle se couche tôt, elle écoute chaque conseil qu'on lui donne, et quand on lui donne une information supplémentaire elle la lit et elle revient, pose des questions et veut en apprendre plus. C'est cette soif d'information et le dévouement qui font les coureurs qui réussissent - et bien sûr la communication.

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Selam Amha Gerefield (à gauche) - WCCA

Selam Amha Gerefield (au premier plan)

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     Hagos Welay Berehe est né le 22 octobre 2001. JP Van Zyl pense qu'il est un coureur très prometteur : "Il est juste incroyable, je pense qu'il a un très grand futur." En 2019, il a gagné le chrono des championnats d'Afrique dans la catégorie Junior. Hagos s'entraine au Centre Mondial du Cyclisme à Aigle depuis l'année dernière, son coach là-bas est le Canadien Richard Wooles. Richard nous a dit qu'Hagos Welay Berehe a parmi les meilleurs résultats aux tests du CMC ces dernières années. Il est un pur grimpeur, il pèse 57kg : "il est très léger et très très rapide, affirme Richard Wooles, on a fait des tests dans une montée où des coureurs World Tour avaient couru et il était plus rapide qu'eux." En effet, sur Strava Hagos a le KOM de la montée de Vionnaz à Revereulaz près d'une minute devant les coureurs les plus rapides du Tour de Romandie 2019 (Revereulaz était à 5km de l'arrivée sur l'étape 4 du Tour de Romandie 2019). "Il est très rapide en montée et il peut le faire plusieurs fois à l'entrainement : 3 ou 4 fois la même montée." Cependant, en raison de la pandémie, Hagos n'a pas eu de course cette année, donc "il a un potentiel énorme mais on ne sait pas encore s'il peut courir, dans un peloton, avec le stress... il est très jeune, il a 18 ans." Cette année, ses principaux objectifs étaient le Tour de l'Avenir, la Course de la Paix et les championnats du monde, mais ils ont tous été annulés. Etant donné ce qu'Hagos Berehe avait montré à l'entrainement, Richard Wooles pense qu'il aurait pu faire Top 10 sur le contre la montre montagneux du Tour de l'Avenir ; Richard pense aussi qu'il aurait fait un bon résultat aux championnats du monde à Aigle - Martigny car il connaissait les routes et "était allé s'entrainer de nombreux weekends sur le parcours". Comme ils n'avaient pas de courses avec le Centre Mondial du Cyclisme, certains coureurs sont retournés courir avec leur équipe nationale ou leur équipe amateure ou Continentale en Europe, mais Hagos n'avait pas d'équipe puisqu'il n'a encore aucun résultat. Richard Wooles trouve qu'Hagos apprend très vite, "il apprend très bien, il semble être ambitieux, il est très sérieux pour ses entrainements et sa récupération ; mais il est aussi toujours souriant, tous les jours tout le temps souriant, tout le temps heureux. Quand il neigeait alors qu'on s'entrainait, il était 'pas de problème, je continue juste à m'entrainer' donc il semble aussi très fort mentalement." Comme Hagos n'avait jamais appris l'Anglais, c'était très difficile pour Richard de communiquer avec lui au début : "Avant il ne comprenait pas quand on lui posait des questions, mais maintenant il apprend l'Anglais très vite." En ce moment, il passe 2 heures par jour à l'apprentissage de l'Anglais. "Hagos n'a vraiment commencé à apprendre l'Anglais qu'il n'y a 2 mois, Richard continue, Avant il n'avait pas appris, on a fait des courses d'entrainement en février et mars et il ne comprenait vraiment pas grand chose." Hagos Welay Berehe est très fort à l'entrainement mais il a besoin d'expérience de course, donc le Centre Mondial du Cyclisme va l'aider à trouver une équipe amateure pour l'an prochain. "Je pense qu'il trouvera une équipe amateure, confirme Richard Wooles, on regarde maintenant avec certaines personnes qui essayent de l'aider car ils voient qu'il a du potentiel avec ses entrainements. On essaye de lui trouver une équipe qui peut lui donner plus de courses et le Centre Mondial du Cyclisme peut le prendre pour les manches de Coupe des Nations Junior, le Tour de l’Avenir et quelques autres grosses courses pour l'aider." Pour conclure, Richard nous dit "J'espère vraiment le voir progresser, nous allons essayer de l'aider pour les 2 prochaines années. Maintenant il va retourner s'entrainer en Afrique du Sud avec JP et on espère le retrouver l'an prochain pour une saison plus complète."

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Hagos Welay Berehe (avec Richard Wooles à droite) - Richard Wooles

     Bizaye Tesfu Redae est né le 5 décembre 2002. Il est l'un des jeunes coureurs Ethiopiens les plus prometteurs. Jean-Pierre Van Zyl le présente : "C'est un jeune petit junior qui a été avec moi depuis le début de l'année dernière, et cette année encore. Je l'avais nominé pour créer la surprise en terminant sur le podium aux championnats du monde en Suisse, il est vraiment bon à ce point (Les championnats du monde Junior ont finalement été annulés cette année en raison de la covid-19). Pour moi, il est probablement le meilleur talent que j'ai vu ces 5 ou 6 dernières années parmi tous les coureurs que j'ai vu passer." Début 2020, Bizaye Redae avait eu de très bons résultats sur les courses Sud-Africaines, alors qu'il courait contre des équipes Continentales Sud-Africaines ainsi que des anciens coureurs World Tour qui venaient juste de prendre leur retraite. Sur le Cape Cycling Tour, il a attaqué plusieurs fois dans la dernière montée avant d'être l'un des 2 seuls Juniors à finir dans le groupe de tête. Il avait aussi eu de bons résultats sur le Tour of Good Hope - l'une des courses par étapes les plus importantes en Afrique du Sud - finissant 10ème au classement général avec des 2ème, 3ème et 4ème places d'étape durant la course de 5 jours ; il a aussi remporté le maillot de meilleur Junior. Bizaye semble avoir un super potentiel, mais comme tous les Juniors Ethiopiens, il a encore beaucoup à apprendre et le plus important sont les langues comme le rappelle Van Zyl : "Mais encore une fois, le problème est la communication : il doit apprendre à communiquer, donc il doit parler Anglais, il doit parler Français, j'écris ça dans leurs têtes et je leur apprends autant que possible les bases mais ils doivent continuer et apprendre eux-mêmes."

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Bizae Redae - Cape Cycling Tour

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Bizae Redae (in the middle) - Tour of Good Hope

     Trhas Teklehaimanot Tesfay est née le 5 janvier 2002. Elle s'entraine aussi au Centre Mondial du Cyclisme Afrique avec JP Van Zyl : "Elle est junior mais elle court avec les femmes élite sur certaines de nos plus grandes course en Afrique du Sud" nous dit-il. Trhas Tesfay a terminé dans le Top10 féminin de toutes ses courses en Afrique du Sud. "Elle a un énorme potentiel, continue JP, et elle est très légère. Elle souffre sur le plat, mais dès que la route s'élève elle est impressionnante."

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Trhas Tesfay - Tour of Good Hope

Nous tenons à remercier Tsgabu Grmay, Hailemelkot Hailu, Eyeru Tesfoam Gebru, Jean-Pierre Van Zyl, Kevin Campbell, Negasi Hailu Abreha, Richard Wooles, Kimberly Coats et Charles Kagimu pour leur participation ! Nous leur souhaitons le meilleur ainsi qu'aux autres cyclistes Ethiopiens. On espère que le cyclisme Ethiopien va continuer à grandir !

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